lundi 15 mars 2010

Des nouvelles de Robo32.exe

Sympathique attention, Robo m'a envoyé un mèle dont j'extrais le passage que voici :
J'ai pris un peu de temps avant de vous envoyer ce mail car, si votre invitation me fait plaisir, je ne pense pas être en mesure de l'honorer.
J'ai en effet l'impression d'avoir tout dit (en ce qui me concerne) sur cette affaire dans mon post "Ainsi soit Ange Bastiani" (grosso modo : rien à foutre !) et je n'ai pas véritablement l'intention de revenir là dessus. je préfère désormais ne parler que des fictions d'Ange, de Victor et de Maurice et de rien d'autre. Juste les textes.
Les rumeurs ne me font ni chaud ni froid.
Néanmoins, je serais un sacré goujat si je refusais de participer — même indirectement — à votre petite aventure. car l'intention est louable. L'article du Matricule des anges, sous couvert de journalisme littéraire "sérieux", a fait des dégâts non négligeables à une réputation qui ne méritait déjà pas d'être ternie. En fait, les deux articles. Celui d'Eibel et celui de Favre. Bref.
Après avoir écrit mon petit billet sur Ange, j'ai reçu un message d'un utilisateur du forum À propos de litt' pop' qui me fournissait les références suivantes (je le cite, j'espère qu'il ne m'en voudra pas…) :

« Ange était adhérent d'un parti collaborationniste, il est donc condamné en 48 à UN an de prison (quand l'innocent Simonin prendra lui 5 ans et Giovanni [..] sera condammé à mort !). Ange a été caché pendant deux ans par son ami d'enfance le romancier Eugène Moineau (soit dit en passant un résistant et juif), c'est lui-même qui me l'a dit ou plutôt répété puisque j'avais déjà eu d'autres témoignages dans ce sens. Ange et la rue Lauriston ? Grosse frayeur dans les chaumières, mais désolé, les gestapistes, délateurs, tortionnaires ont été soit fusillés soit lourdement punis. Pourquoi pas Ange s'il en avait été ? Serait le fils caché du Général ? Ange aux commissariat général aux questions juives ? Ouah ! quelle histoire, on en mouille dans son pantalon. Sauf que c'est marrant, suite à ma demande, au Centre de documentation juive contemporaine, il n'y a aucune trace de Le Page/ Bastiani, aucun dossier, aucune mention. »

Concernant le dernier point, un petit détail pas très utile et très "conversation de bistrot" — mais c'est pas pire qu'un article sans source…
Donc.
Selon Michel Lebrun, Bastiani est né en 1918 — ce qui, lors des "événements" (comme on dit...), lui faisait, grosso modo, 25 ans. Et à 25 ans, « responsable aux Questions juives pour les départements de l'Eure et de l'Eure-et-Loir » ça fait un peu beaucoup non ? Bastiani était collabo, cela ne fait aucun doute, mais de là à corser la sauce pour vendre sa salade, il y a tout de même une sacrée marge.
Quant à l'affaire en elle-même, j'en reste à l'article de Pierre Genève — le témoignage d'un type qui connu et édita Héléna et Bastiani dans des collections pornos a pour moi beaucoup plus de valeur que les jérémiades d'un pauvre cave du Matricule des anges ;)

Juste deux remarques :
1) On peut vérifier que Pierre Genève et Marino Zermac (pseudonymes de Marc Schweizer qui en est d'ailleurs un autre) ne font effectivement qu'un en comparant leurs biographies respectives, ici et (§ "Enfant de l'amour"). En relisant les informations que Zermac fournit sur Bastiani, je m'aperçois d'ailleurs qu'il précise le lieu de son décès (rue d'Alésia, à Paris) et même l'église où fut célébré l'office :

Franc buveur, efficace, fantastique entraîneur d'hommes, Ange était devenu un ami fidèle. Lorsqu'il mourut, rue d'Alésia, en 1977, ses biens ne revinrent pas à la jeune et gentille compagne de ses dernières années, mais à sa plus proche parente, la Révérende Mère Marie-Ange (Lepage pour l'état-civil), supérieure d'un couvent breton. Il existe deux autres versions de cette succession. L'une affirme que la révérende refusa l'héritage sulfureux de son neveu dont les biens revinrent à l'État, et l'autre qui prétend qu'Ange mourut tellement endetté qu'il ne laissait même pas de quoi payer son enterrement.
Toujours est-il que sa tante exigea que son neveu hédoniste et mécréant fût enterré religieusement. L'office qui se déroula à l'église Saint-Pierre du petit Montrouge, avenue du Général-Leclerc à Paris, fut interrompu à plusieurs reprises par des coups violents paraissant frappés dans les murs, soit dans les voûtes de l'édifice.
Soudain la voix de Robert Vergnes, au fort accent rocailleux du Sud-Ouest, s'écria :
— Ange, es-tu là ? Si tu es là, viens nous rejoindre à la sortie ! On va boire un coup à ta santé, rue Daguerre, chez Bernard Péret !

Récemment, une amie théologienne me confia que la tante d'Ange Bastiani, Révérende Mère Marie-Ange du Sacré Cœur de Jésus en religion, avait été une femme remarquable, proche collaboratrice de la très extraordinaire Yvonne-Aimée de Malestroit, décorée par le Général de Gaulle pour hauts faits de résistance !
2) Le membre du forum qui a fourni de si précieux renseignements à l'ami Robo est un certain "bibouillou", qui semble en effet en connaître un bon bout sur la question (et pas seulement) : voir par exemple son commentaire sur cette page. Malheureusement, lui non plus ne fournit aucun justificatif pour étayer ses propos. Je vais lui envoyer un mot par le biais du forum en question.

4 commentaires:

  1. en fait, au sujet du 'petit détail' je voulais écrire "pas très utile" et non pas "pas très inutile" - désolé, j'ai dû deraper sur le clavier !

    et les mémoires de Pierre Geneve sont très savoureuses, ya pas à dire !

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  2. Et moi, j'avais également lu "pas très utile" : on a de ces automatismes… je rectifie illico.
    Quant à Genève, je n'ai pas tout lu, mais j'ai l'impression qu'il y a des discordances (évidemment volontaires, si c'est le cas) entre la courte bio sous ce nom-là et ses mémoires signées Zermac. En tout cas, celles-ci sont effectivement très intéressantes et franches du collier (je me suis un peu pris les pieds dans le passage où il parle à la fois de G.J. Arnaud et de Georges Arnaud — qui a été innocenté de u meurtre de son père, soit dit en passant). Ce serait bien de les avoir sur papier

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  3. https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=4&cad=rja&ved=0CDQQxQEwAw&url=https%3A%2F%2Fdocs.google.com%2Fviewer%3Fa%3Dv%26q%3Dcache%3AQuAnO1Xry_kJ%3Awww.monde-libertaire.fr%2Fcultures%2F14765-les-cairotes-sont-cuites-chroniques-polardesques%253Fformat%253Dpdf%2B%26hl%3Dfr%26gl%3Dfr%26pid%3Dbl%26srcid%3DADGEESjyx76yH7sA6NRCnzXjSTLE1iggfXodV3iSP6lYN3B-p_y9cgtFH8R5jhI6OqoEcksEXb4gsSAlL8csZ0qpyVAOmDKdPfYK5DlbTHv_3rYG6cHut3Ei8XLw0SI3L6h07KsImGfW%26sig%3DAHIEtbTEFGXDuAl2Wu33awYskSLdaKfn3A&ei=naWhUJT4MNGb1AXOtYHABA&usg=AFQjCNF7WQq_hhAKvDYzuR3BIz5pYSsvjA

    Peut-être avez-vous déjà pris connaissance de cet article qui propose Bastiani comme secrétaire général du PPF en Eure-et-Loir sous l'Occupation ? Quelqu'un a lu le numéro 14 de Temps noir ? Tout le monde sauf moi ?...

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  4. Pas moi non plus, Clément, toujours pas, hélas !

    Je me permets de reproduire ci-dessous l'extrait de l'article du Monde Libertaire (hors-série n°42 auquel vous renvoyez, qui chronique le n°14 de Temps Noir :

    « Temps noir, l’une des deux revues de référence en matière de littérature policière (l’autre étant 813, bulletin de l’association du même nom), nous offre un quatorzième numéro (il en paraît deux par an) avec un sommaire des plus passionnants, comme à l’accoutumée. François
    Guérif, éditeur de Rivages, rend hommage à son ami Chabrol. Éric Bentolila nous livre douze entretiens sur le polar français des années quatre-vingt (Daeninckx, Pouy, Delteil, Benacquista, Manchette, etc). Pierre Charrel s’entretient avec Tardi des adaptations en BD des romans de
    Manchette, avec Serge Bromberg, spécialiste des films disparus, du documentaire qu’il a consacré au tournage du film inachevé de Clouzot, L’Enfer , et avec Lucas Belvaux de son goût pour les films criminels. Clément Pieyre présente l’adaptation théâtrale inédite du Cave se rebiffe par Simonin et Frédéric Dard, ainsi qu’un échange épistolaire entre Léo Malet et l’auteur du Grisbi. Cette livraison s’achève sur la chronique des films sortis en DVD et des romans noirs du semestre. Le morceau de choix étant consacré à la deuxième partie d’une étude très érudite sur les premiers auteurs français publiés à la Série noire et centrée sur l’année 1954. On y croise Auguste le Breton (Le Rififi), Albert Simonin (Le Grisbi), Georges Bayle (Gas-Oil), Ange Bastiani (Arrête ton char, Ben Hur !), Dominique Ponchardier (Le Gorille).
    Franck Lhomeau retrace les péripéties vécues par ces auteurs dans leurs relations avec les
    éditeurs, principalement la maison Gallimard, les problèmes d’adaptation cinématographique,
    mais surtout il met en lumière le passé politique de certains auteurs de ce polar hexagonal largement marqué à droite dans ces années d’après-guerre : Le Breton, authentique truand, participant au marché noir, fréquentant les hommes de la Carlingue comme ceux de la
    Résistance ; Simonin purgeant quatre années de prison à la Libération pour participation à des
    journaux de la collaboration et propagande pro-allemande (libéré, il sera un temps secrétaire de
    rédaction à Rivarol, périodique d’extrême droite) ; Bastiani (sous son vrai nom Victor Le Page), secrétaire général du PPF (le parti de Doriot) pour l’Eure-et-Loir sous l’Occupation, condamné pour escroquerie en 1945 et qui publiera des romans sous le pseudonyme de Maurice Raphaël
    aux éditions du Scorpion (l’éditeur de Boris Vian) dont Lhomeau loue la qualité littéraire avant d’entrer à la Série noire avec ses parodies policières ; enfin, Ponchardier, ancien résistant, responsable du service d’ordre du RPF, créateur des barbouzes pendant la guerre d’Algérie, futur diplomate en poste en Bolivie au moment de l’incarcération de Régis Debray. Sous le pseudonyme d’Antoine Dominique, il mettra en scène les aventures d’un agent des services secrets dans la France gaulliste. »

    Toujours le même tissu de diffamations, sans cesse ressassé : Victor a certes adhéré au RPF en Eure-et-Loire, mais son boulot consistait à rallier les paysans du coin au parti de Doriot (qui comptait fort peu de membres dans ce département) en échange d'une exemption du STO…
    Pas vraiment les horreurs de la Milice, quoi, et d'ailleurs il n'a été condamné pour cela qu'à UN an de prison, en pleine épuration (voyez les autres billets du présent blogue et leurs commentaires)…

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