Préface de Jean-Jacques Pauvert à la réédition d'Ainsi soit-il, suivi de Claquemur, chez La Musardine (Paris, 2004) — ouvrage disponible sous forme électronique sur l'excellent Francomac :
« Maurice
Raphaël » n'est qu'un pseudonyme parmi d'autres de Victor-Marie Le
Page, qui signa aussi Ange Bastiani pour la Série noire (Arrête ton char, Ben Hur !, entre autres), Ange Gabrielli pour des romans érotiques, comme Biscuit l'amour, et encore, pour d'autres romans érotiques, Victor Saint-Victor.
L'éditeur Éric Losfeld
trouvait à Lepage-Raphaël « l'allure d'un aventurier, souple et bronzé,
grand séducteur, avec une faconde toute méridionale » (dans ses
souvenirs, Endetté comme une mule).
Il était pourtant né à
Brest en 1918, d'un père officier de marine. Il commença des études de
droit vite interrompues, puis se lança dans différents métiers de
fortune.
Il avait pourtant un
penchant littéraire car il tâta du journalisme avant de débuter dans le
roman aux Éditions du Scorpion en 1950 avec, justement, Ainsi soit-il, qui fut naturellement condamné devant la dix-septième chambre quelques mois après.
Claquemur fut publié en
1955 à tirage limité avec une pointe sèche de Hans Bellmer. André Breton
qualifiait ce texte de « cryptesthésie des bas-fonds ». C'est le
monologue intérieur d'un prisonnier, vivant dans sa cellule une sorte de
cauchemar érotique permanent.
Ainsi soit-il et Claquemur furent réédités ensemble sous un cartonnage d'éditeur par Éric Losfeld en 1969.
Victor-Marie Lepage devait mourir relativement tôt, à cinquante-neuf ans, en 1977.
Ces deux textes, et en
général les textes signés Maurice Raphaël sont intéressants comme très
représentatifs des excès, de la désespérance et de la révolte violente
d'une part de la jeunesse de l'époque.
C'était le moment où la
grande presse déplorait le pessimisme des romans « existentialistes » en
stigmatisant pêle-mêle l'influence pernicieuse de Kafka ( ? ) ou de
Miller, et relevant par exemple avec une réprobation jubilatoire qu'on
avait trouvé J'irai cracher sur vos tombes sur la table de nuit d'un assassin.
Nous vivions, dans les années 45/50, des temps austères et vertueux…
Jean-Jacques Pauvert
En illustration, un gros fragment de la couverture dudit bouquin :